L'association Algodystrophie France veut faire bouger les lignes
Peut-être avez-vous déjà reçu dans votre cabinet un patient souffrant d'algodystrophie, cette maladie orpheline caractérisée par de fortes douleurs chroniques, insupportables, et qui peut s'avérer très handicapante ? Bien qu'elle touche environ 50 000 Français, elle reste néanmoins méconnue, et trop souvent mal prise en charge, notamment en termes de kinésithérapie. Des patients et des proches de patients ont donc décidé de créer l'association Algodystrophie France, avec l'objectif notamment de récolter des fonds pour favoriser la recherche médicale et trouver un moyen de guérir cette maladie.
L'association Algodystrophie Francea été créée le 2 juin 2018 et ce n'est pas un hasard si elle a choisi "Beaucoup plus fort ensemble" pour slogan. "Ce qui a provoqué le déclic, c'est de voir ces nombreuses personnes atteintes d'algodystrophie en train d'échanger sur les réseaux sociaux, dans des groupes dédiés, à se plaindre notamment d'être mal prises en charge par leurs médecins ou leurs kinésithérapeutes, et le manque de mobilisation liée à cette pathologie. Elle touche pourtant un nombre important de personnes (on ne sait pas vraiment combien en France), elle peut nous handicaper pendant plusieurs mois ou années, voire définitivement, et pourtant personne n'en parle ! Comment s'en sortir si les malades restent entre eux, s'ils ne s'ouvrent pas aux autres pour leur expliquer ce qu'est l'algodystrophie.
l'algodystrophie, les symptômes… ?", explique Françoise Hoareau, l'une des fondatrices et vice-présidente de l'association, pour qui "seule une telle structure peut espérer faire bouger les choses, et notamment progresser notre prise en charge, en collaboration avec les soignants et les chercheurs".
Des professionnels de santé souvent démunis face à la maladie
L'un des problèmes inhérents à l'algodystrophie (également appelée SRDC, maladie de Sudeck, dystrophie sympathique réflexe…), c'est que "sa cause n'a, à ce jour, pas encore été identifiée et que personne n'est à l'abri, quel que soit son âge", précise Françoise Hoareau, qui en a déclenché une le 1er janvier 2018 suite à une double entorse cheville gauche/genou droit. "La maladie peut se déclarer suite à un choc, une entorse, une tendinite, un acte chirurgical… et se traduit par une douleur constante et une mauvaise circulation sanguine qui entraînent des lésions diverses, œdèmes, inflammations… et peuvent générer des séquelles graves, voire définitives", précise-t-elle.
De cette pathologie, elle retient surtout la douleur. "Tout le temps. Même dormir devient impossible. Avoir mal en permanence, cela signifie que vous ne pouvez pas marcher, ni conduire, ni travailler… Vous perdez vite votre autonomie, vous avez besoin de béquilles, d'un fauteuil roulant, de quelqu'un pour vous habiller, faire votre toilette…".
"Si l'un des défis de l'association est d'améliorer la prise en charge, c'est qu'elle est clairement insatisfaisante", selon Françoise Hoareau. "C'est assez empirique. Tout le monde y va un peu à tâtons, on essaye, on voit ce que cela donne… Les cas sont tellement divers, les formes différentes… alors chacun fait ce qu'il peut, à son niveau. Mais ça ne suffit pas et surtout, cette prise en charge n'est pas cadrée par des protocoles basés sur des études ! Il faudrait que l'algodystrophie soit rattachée à un centre de référence pour les maladies rares, afin de développer enfin de vrais protocoles de soins codifiés et harmonisés pour tous les soignants qui, souvent, se retrouvent pris au dépourvus et démunis. Notamment les kinésithérapeutes."
Si aucun traitement n'est clairement identifié comme salvateur, selon Françoise Hoareau, la prise en charge kinésithérapique est "essentielle", notamment pour entretenir la mobilité et les muscles. "La balnéothérapie est préconisée, car elle permet de retrouver un peu de mobilité et l'eau chaude soulage beaucoup les articulations douloureuses. J'en ai fait pendant plus d'un an et c'est vraiment bien. Mais peu de patients ont la chance d'en faire, parce que ce n'est pas simple de trouver un kinésithérapeute équipé", explique-t-elle, insistant par ailleurs sur "l'indéniable soutien psychologique" qu'apportent ces professionnels. "Je remercie vraiment tous ceux que j'ai consultés parce que chacun a essayé, à sa manière, de m'aider. Même si 2 d'entre eux, par méconnaissance de la maladie, m'ont fait faire des exercices inappropriés et donc douloureux."
Respecter la douleur et écouter le ressenti du patient
"La rééducation consiste essentiellement à essayer de soulager la douleur (par les massages, l'application de chaleur, les TENS…), en complément d'une prise plutôt importante d'antalgiques par voie générale, et à entretenir ou récupérer les amplitudes articulaires, puis à récupérer de la force musculaire", explique Sylvie Desaleux, kinésithérapeute à Senlis (Oise). Celle-ci reçoit régulièrement des patients algodystrophiques, "ce qui, je pense, n'est pas le cas de tous mes confrères et consœurs", car elle dispose d'une balnéothérapie. "Les prescripteurs me les adressent car je suis la seule à 20 km à la ronde", précise-t-elle. "Notre formation initiale nous permet, en théorie, de prendre en charge ce type de patients. Mais le kinésithérapeute sera beaucoup plus performant s'il se perfectionne en formation continue : en massages, relaxation ou en prise en charge de la douleur", insiste-t-elle.
La douleur quasi constante étant le principal symptôme de l'algodystrophie (qui tire d'ailleurs son nom d'algie), "il est impératif de la respecter", insiste Sylvie Desaleux. "Si la rééducation s'avère douloureuse, en raison par exemple d'une grosse raideur articulaire, il faut se faire aider par la pharmacologie, et que le patient prenne des antalgiques avant la séance afin que celle-ci ne permette pas la mémorisation d'un phénomène douloureux associé à la mobilisation articulaire. Et si malgré tout une augmentation de la douleur est décrite par le patient, il ne faut pas hésiter à faire machine arrière et à refaire des séances uniquement à visée antalgique pendant quelques temps, avant de réessayer les mobilisations articulaires." Enfin, il ne faut "jamais omettre d'écouter le ressenti du patient : il faut s'interdire de penser qu'il est douillet et qu'en bougeant son articulation, en 15 jours l'affaire est réglée !"
© D.R.